Logistique Durable : Posture ou Prise de conscience ?

Le développement durable est à la mode même dans le domaine de la logistique et du transport. Mais dans les faits, s'agit-il d'une vraie prise de conscience ou les entreprises surfent-elles sur un concept marketing ?

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Il existe en logistique un concept dont on ne pourrait pas se passer ; celui du Développement Durable(*) !

Très mal connu par certains et mal appliqué par d’autres il est pourtant très présent dans la communication des entreprises, mais aussi dans le subconscient collectif. Les médias, les politiques et d’autres en parlent. Il ne se passe pas un seul jour sans qu’on aborde une question sur le thème du développement durable.

Une notion complètement réduite

Le concept a fait son chemin depuis 1992. Mais en France la notion de développement durable en entreprise traite uniquement des problématiques environnementales et écologiques. Or, par définition le développement durable met l'accent sur trois volets dont un ; le plus sensible : Le volet social.

En logistique d’entrepôt, les mentalités ont évolué, mais ne dépassent pas non plus les limites des questions environnementales. Nous traitons encore le volet social comme une variable d’ajustement, comme si, les femmes et les hommes, nos personnels ne faisaient aucunement partie de l’économie de nos entreprises ou comme si les personnels n’avaient aucune réalité financière ou finançable ; juste des matricules ou des codes à barre.

La course à la réduction des coûts, à la performance économique et financière tire encore par le bas les conditions de travail dans les entrepôts. L’argument de la gestion des flux tendus lié à une demande accrue du juste à temps dans une économie mondialisée ne justifie plus en lui-même que l’on investisse plus à travailler sur des référentiels écologiques et environnementaux au détriment de référentiels de la qualité du climat social.

Bien-être: Les salariés oubliés

Mettre uniquement l'accent sur la protection de l’environnement et sur l’écologie sans pour autant penser en amont à l’ergonomie des postes de travail, à la prise en compte des droits du personnel est une erreur d’analyse qui très vite se retournera contre les entreprises qui font l’économie de ne pas l’appréhender.

La légitimité de notre propos vient de la confrontation des expertises salarié-consultant, de la théorie d’un idéal, d’une observation terrain, mais aussi de la simple volonté d’apprendre des autres.

Comprenons-nous bien ! La détermination des entreprises à construire des bâtiments logistiques intelligents et rentables est encourageante. Investir dans des d’entrepôts qui limite la production de gaz à effet de serre,contribuer à la gestion de ses déchets et de l'autre réduire leur coûts de consommation des ressources énergétiques est en soi une belle révolution des mentalités. C’est une avancée formidable ! En même temps, les pressions accrues exercées par le client-final et celles exercées sur l’ensemble de la chaîne logistique ne justifient pas des comportements et des pratiques allant à l’encontre du respect des règles les plus élémentaires du travail dans une société civilisée.

C’est peut-être le moment de travailler ensemble sur la question de la place de l’humain et de réfléchir à un référentiel social de bonnes pratiques regroupant un ensemble d’indicateurs (turn-over, suicides, absentéisme, maladie, accident, formation, recrutement, retraite…) qui aiderait les acteurs du secteur à réellement prendre en compte l’ensemble des contraintes économiques en même temps que l’on permettrait d’accroitre la performance grâce à un bon climat social et donc à un travail équitable.

Satisfaire ses employés avec la même exigence que l'on applique au client final

Il s’agit de travailler à trouver le juste milieu entre la transformation des employés à devenir les premiers clients satisfaits de l’entreprise et celui du patronat désirant encore plus d’efficacité et de rendement à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur de l’entrepôt.

Ce n’est que dans ces conditions, lorsque l’entreprise s’implique à respecter les trois (3) volets du concept « Logistique Durable » que l’on peut se permettre de parler de démarche et de responsabilité sociétale, pas le contraire, ni les deux tiers.

Pour résoudre ce déficit d’image, notre première proposition serait que l’on discute de la synchronisation de la problématique sociale du développement durable avec celle de la norme HQE (Haute Qualité Environnementale).

Comme chacun sait, la norme HQE porte sur la construction d’infrastructures répondant à un cahier des charges strict imposant notamment de maîtriser les impacts sur l’environnement extérieur. Ce que l’on sait moins c’est que ce cahier des charges impose également de veiller à bâtir un environnement intérieur satisfaisant en agissant sur le confort (thermique et sensoriel) et sur la santé des usagers : ici, notre propos concerne les collaborateurs des entrepôts. Il est par ailleurs à noter que ce lien entre bonnes pratiques environnementales et santé des collaborateurs existe de manière concrète dans les systèmes QSE (Qualité Sécurité Environnement).

Management durable: Il reste du chemin à parcourir !

Très peu de directeurs logistiques ou de directeurs des ressources humaines sont globalement sensibilisés à la jonction de ses deux exigences. La grande majorité, à les écouter, ne parle de développement durable qu’en termes fermés de stratégies de réduction de coûts mettant de façon implicite dos à dos les problématiques d’innovations sociales avec celles du respect de l’environnement et de l’écologie.

Il serait intéressant de pratiquer un inventaire de la qualité du dialogue social avec pour objectif l’amélioration de la communication interne pour permettre à l’entreprise de bien mesurer les impacts sociaux de ce type de démarche et pouvoir ainsi les valoriser auprès des premiers intéressés : les salariés.

L’enjeu est aussi économique : il s’agit bien là d’une autre façon d’améliorer les conditions de travail, le dialogue social et donc de réduire les coûts sociaux en réduisant le turn-over d’abord, mais aussi l’absentéisme qui représente toujours une perte de productivité, un manque à gagner…

Gagner de l'argent en pratiquant le dialogue social

Si donc nous sommes capables d’appliquer des règles HQE que personne ne nous impose, pourquoi, ne sommes-nous pas capables d’appliquer celles qui depuis longtemps s’imposent à nous ?

A quoi sert-il donc d’arrêter nos investissements (25 millions d'euros en moyenne) à ne construire que des entrepôts HQE que personne ne nous impose et à acheter du matériel innovant, si ceux qui sont appelés à travailler dans ses bâtiments ne comprennent, ni le sens des innovations que l’on apporte, ni les valeurs que cela implique ?

Si l’on sait répondre à cette question, on comprend que le Développement Durable devrait ne plus être uniquement une question de subvention européenne ou de positionnement marketing, mais une démarche sociétale bien comprise favorisant l’essor global de l’entreprise, de ses personnels et de tout un pays.

Notre seconde proposition serait de passer à l’action en mutualisant nos efforts et en travaillant à peser auprès de Bruxelles en passant par nos gouvernants pour obtenir des incitations fiscales que l’on qualifierait de «socialement durables» et qui auraient pour finalité de faire la jonction entre social-environnement-économie. Un complément d’apport qui s’ajouterait à celui que l’on accorde déjà aux entreprises logistiques qui construisent des entrepôts à la norme HQE.

Puisqu’il s’agit d’organisation logistique, de réduction de coûts et de responsabilité sociétale, à titre d’exemple, nous terminerons cette première partie de notre propos en parlant d’éco-conduite. Dans une certaine mesure, elle constitue un excellent exemple d’une action environnementale ayant une portée sociale non négligeable. C’est une initiative qui par nature apporte des avantages environnementaux et des avantages sociaux.

Une piste de réflexion 

Concrètement il s’agit de former les salariés « conducteurs de véhicules » à une conduite plus souple, donc moins consommatrice, et plus anticipative, donc plus prudente. D’une manière générale ce type de conduite permet de moins solliciter les organes des véhicules et donc de réduire les frais d’entretien de ces derniers. Il est aussi intéressant de constater qu’une telle formation, qui peut s’effectuer dans le cadre du Droit Individuel à la Formation (DIF), permet de réduire les coûts de manière directe à travers la baisse des consommations, de l’usure des véhicules et la réduction des accidents de travail. Accidents du travail dont les coûts, rappelons le, sont assumés par l’entreprise à travers ses cotisations sociale et qui présentent nombre de coûts indirects (temps, casse, baisse de productivité…).


Frédéric Kouloufoua
Consultant en Logistique d’Entrepôt
Dirigeant de la Sté OneConseil
www.oneconseil.net
contact@oneconseil.net

Florence Bourgeais
Consultante / Formatrice en RSE
Intervenante groupe IGS
bourgeais.florence@wanadoo.fr



(*) Définition
Le développement durable c’est répondre aux besoins présents (se nourrir, se loger, se déplacer, se vêtir, travailler…) sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.

8 commentaires:

  1. Merci Frédérick, grâce à cet article j'en ai appris plus sur les enjeux.

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  2. Excellente présentation et surtout l'angle est intéressant : l'écologie et l'environnement ne peuvent exister sans l'homme, et pourtant, les entreprises et l'Etat l'oublient souvent.

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  3. MERCI BEAUCOUP FREDERIC,J'AI BEAUCOUP APPRIS EN LISANT CETTE PRESENTATION.LA SANTE AVANT TOUT,APRES LES BESOINS PRIMAIRES,LA PYRAMIDE DE MASLOW L'A BIEN DECRITE...

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  4. Merci pour chacun de vos commentaires.
    Je pense en effet qu'un chef d'entreprise sensible au développement durable doit pouvoir mettre en avant les trois critères liés au concept.

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  5. Pour être plus clair, il est important de mentionner que les Responsables Logistiques ou gérants d'entreprises... doivent prendre en considération les éléments reliés à la gestion des ressources humaines dans un concept d'environnement durable.

    Pour cela, il faut faire preuve de créativité afin de concilier l'aspect financier et l'aspect humain... Ce n'est pas une petite affaire.

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  6. Bonjour Frédéric,
    DD dans ces entreprises : mode ou prise de conscience ?
    Poser la question en ces termes, c'est y répondre : une entreprise qui s'affiche DD en ne parlant que de norme HQE, de tri des déchets et de détecteur de présence pour la lumière démontre clairement son positionnement :
    les surcoûts engendrés sont (relativement) mineurs pour un effet marketing majeur : beaucoup à gagner financièrement et à court terme.
    Car en effet, quand on commence à se pencher sur la problématique sociale, on rentre dans des délais beaucoup plus longs : on parle de durée de vie (dans l'entreprise) de taux de mortalité ou de natalité (les entrées et les sorties), de niveau d'éducation (politique formation et promotion), bref de qualité de vie dans l'entreprise.
    Et là, les investissements (en temps et en argent) immédiat ne se convertiront qu'à moyen ou long terme et parfois même ne pourront pas être mesurés.

    Il existe deux catégories d'entreprises : les entreprises à capital familial et les systèmes d'actionnariat.
    Quand un actionnaire met de l'argent dans une entreprise (de l'argent, pas des ressources ni du temps) il souhaite gagner de l'argent. Quoi de plus normal me direz-vous ? et cet argent il le veut chaque année, à partir de l'année suivante (et pas dans 5 ans ou 10 ans ...)
    Le dirigeant qui est à ses ordres décide à court terme (sa propre espérance de vie dans l'entreprise).
    Toute action tendant à rallonger l'espérance et la qualité de vie de ses collaborateurs ne se ferait qu'au détriment de la sienne (puisque pas d'impact financier positif à court terme)...

    La famille qui gère son entreprise "en père de famille" avec un objectif de transmission et donc de faire durer cette entité au-delà de sa propre espérance de vie est déjà dans une démarche beaucoup plus universelle de développement durable (au sens premier du terme).

    L'humain a souvent beaucoup plus sa place dans ce deuxième cas de figure.

    Merci beaucoup Frédéric pour recentrer le dd sur l'humain.

    Gil

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  7. Bonjour Frédéric, je me permets de vous faire part de ma vision du sujet à travers un bref résumé de mon expérience.

    Autodidacte dans la logistique, j'ai durant mon parcours professionnel eu à diriger des équipes opérationnelles de production. Le DD humain m'est apparu alors comme une évidence pour pérenniser le développement des performances dans l'entreprise.

    Il faut toutefois noter que la notion d'humain est encore très rarement mentionnée car elle peut être assimilée à du sentimentalisme et c'est bien connu, pas de sentiment dans les affaires!

    La réussite de mon parcours opérationnel m’a conduite à un poste de management fonctionnel transverse.
    Et à ce niveau, l’approche est totalement différente :
    Le DD est très présent dans les directions car il est piloté par la filière Qualité.
    Il est devenu indispensable de se plier aux normes législatives et les entreprises ont toujours fait preuve de créativité pour faire basculer une contrainte en opportunité, mais elles ne se projettent que trop rarement sur un ROI supérieur à un an. Difficile alors de prendre en considération le facteur Humain.

    A mon sens, le DD est avant tout une question de Civilité responsable et passe par une évolution forte des mentalités. Cette évolution est en marche, mais risque d’être assez longue.
    Des articles tel que le votre y contribuent déjà.
    Merci,
    Olivier Motteau

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  8. Conférence Durable

    Le Cabinet OneConseil participera à Paris à la Conférence dont le thème est:


    "CONSÉQUENCES DU DÉVELOPPEMENT DURABLE SUR LES ENTREPRISES"
    Horaires : de 19h à 21h30

    Lieu:
    École de Commerce NÉGOCIA
    8, avenue Porte de Champerret, Paris 17ème
    Métro Ligne 3 station "Porte de Champerret"

    Amphithéâtre Jean ANGOT

    Parking VINCI à proximité

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